BTS Design de Mode



Souvent les étudiants  sont  surpris  d’apprendre  que la philosophie ne s’enseigne pas seulement dans les classes de Terminales Générales et Technologiques  et à la Fac du même nom mais aussi dans certains BTS. Celui du Design de Mode figure parmi ceux-ci.

Le programme officiel est donné à l’url suivante

Ce programme est succinct et peut paraître même lacunaire ; au professeur d’organiser le cours suivant les éléments fournis.
En fait le travail de philo dans cette classe se divise en deux activités séparées.
Le cours magistral en classe entière s’articule sur le programme dont il vient d’être question et sur lequel nous aurons à revenir. 
Parallèlement, il y a un travail en demi-groupes qui doit être réalisé ; son résultat entre dans l’épreuve de Projet Professionnel (coef. 10) en liaison avec le cours d’Economie et le travail  effectué en Labo de Création.
Ce travail –dont je donne par après quelques exemples édifiants- consiste dans une réflexion soutenue sur un projet professionnel que l’étudiant veut mener à son terme ; il prend la forme d’une Fiche Philo (une page A4) et sert d’introduction et de vecteur à l’oral du Projet professionnel.
(Nota bene: cet oral se déroule en deux temps, aux mois de Mars et de Mai).
Le sujet retenu est libre ; il est issu de l’imagination, témoigne d’une volonté particulière ou est le résultat d’un intérêt quelconque. Il peut s’agir de mariage, de chaman, du mouvement punk, bref de tout ce qu’on voudra pourvu que cela puisse donner l’idée d’une ligne de vêtements ou d’accessoires de mode, argumentée et défendable devant un jury composé des professeurs d’économie, de philosophie et de création design de mode. Quelques explications sur sa fabrication méritent d’être données :
-          Le titre. Composé d’un ou de deux mots, il constitue en quelque sorte la synthèse du développement qui suit et sert de fil conducteur non seulement aux autres fiches (Economie, Création) mais aussi à la prestation orale.
-          Le développement. Dès le premier paragraphe, il conviendra de poser explicitement la problématique retenue et de l’accompagner de définitions idoines qui vont permettre de la cerner correctement. Les paragraphes suivants doivent en préciser l’histoire et ses limites, et assurer un développement philosophique émaillé de références appropriées (philosophes, écrivains, artistes)
-          La conclusion. Il n’est pas nécessaire de conclure sur le projet professionnel lui-même. On doit simplement indiquer un état provisoire final de sa réflexion.

Vous pouvez consulter à l'adresse suivante quelques fiches philo.

Quant au programme déroulé en classe complète, je l’ai organisé de telle sorte qu’on retrouve, d’une manière ou d’une autre, toutes les notions que nous devons aborder. L’ordre des chapitres varie, en fait, chaque année selon les questions posées et les sujets retenus pour l’épreuve de Projet professionnel.
I.                    La liberté.
II.                   La vérité.
III.                  L’Etat. (Ce cours est donné ci-après)
IV.                Le langage et la communication.
V.                  Le monde sensible
VI.                Art, technique et science.


Voici, à titre d'exemple, un cours dispensé au cours du premier semestre. (D'autres cours sont accessibles à l'adresse http://www.fichestrames.blogspot.com  à la date du 2 décembre 2011).


                                                                            L’Etat


L’organisation d’une société repose sur des institutions voulues et élaborées par les hommes qui veulent ainsi lui assurer cohésion et permanence. L’Etat est une notion moderne qui, depuis quatre siècles, s’est presque partout répandue sur la planète.
Nous aurons soin d’abord de définir l’Etat et les termes qui lui sont généralement associés. Puis nous verrons quelles formes réelles ou possibles peut revêtir l’Etat.

Le nom même d’Etat apparaît à la Renaissance en Italie (lo Stato). Il désigne une communauté juridique : des individus y sont soumis à une même législation et à une même autorité politique qui se présente sous la forme d’un gouvernement nommé  Exécutif. Ce dernier exerce son pouvoir grâce à des structures administratives.
Trois conditions doivent être remplies pour qu’il y ait Etat :
1)      Le pouvoir est exercé par un organe spécialisé doté d’un ensemble d’administrations adéquates et permanentes, du moins dans leurs structures.
2)      L’Etat dispose de la souveraineté : son pouvoir est au-dessus de tous les autres pouvoirs qui animent la société : professeur-élèves ; père-enfants, etc.. A l’extérieur, il ne se soumet à aucune puissance étrangère –le cas de l’Europe est basé et voulu sur des accords réciproques ; il y a là création et non soumission.
3)      L’Etat se fait reconnaître par la société le droit exclusif d’employer la violence pour agir aussi bien à l’intérieur (polices ; moyens de coercition ; etc.) qu’à l’extérieur (armée ; guerre de défense ou d’attaque). Cette confiscation de la violence (qui n’est pas identique dans tous nos pays démocratiques qui se veulent pourtant tous des Etats de Droit) pose bien des questions intéressantes (cf. Thomas Hobbes, René Girard, par exemple).
La Nation est un concept politique plus moderne encore –pensez à la Révolution française. Il est du domaine de l’affectif ; nation vient du latin, natus : le fait d’être né. Elle désigne une communauté vivante héritée des ancêtres –d’où les droits du sang et/ou du sol pour l’acquisition d’une nationalité. Cette communauté est reconnue et aimée sous le nom de patrie, du latin pater qui signifie le père.
Cela posé rapidement, les conceptions de  l’Etat moderne sont très diverses. Nous les étudierons sous trois formes : l’Etat comme fin, comme moyen et enfin comme mal.
L’Etat comme fin
L’Histoire a retenu trois formes différentes de l’Etat considéré comme une fin. Il s’agit de l’Absolutisme, du Despotisme et du Totalitarisme.
Dans la première –bien connue en France grâce à Louis XIV-, l’Etat a un pouvoir absolu –« l’Etat c’est moi »- parce que celui qui en hérite le tient de droit divin.
Le Despotisme a été défini par Montesquieu comme étant un gouvernement sans lois ; dans ce régime, il y est fait un usage personnel et arbitraire du pouvoir politique afin d’éliminer toute opposition et prévenir ou endiguer toute révolte. Ce n’est donc pas un Etat de droit.
Le Totalitarisme (on parle ici à la fois des régimes nazi et communiste), Hannah Arendt le caractérise comme une forme de domination qui use des moyens du despotisme mais qui s’en éloigne par le but poursuivi : la transformation totale –et qui se veut irréversible- de la société dirigée par un Etat-parti,  en une masse homogène dépourvue d’individualités et d’initiatives personnelles.
Ces conceptions de l’Etat fascinent encore et sont loin d’être abolies, dans la réalité des peuples comme dans les consciences ! Son pouvoir de fascination  vient de ce que ses partisans croient en la méchanceté naturelle de l’homme : il s’agit donc de veiller et d’y mettre bon ordre (c’est le mot adéquat) sans quoi le monde irait à sa perte. Même pour son bonheur, l’homme se doit, dans cette conception, d’adhérer et de se soumettre –regardez le frontispice du Léviathan de Th. Hobbes. Ce genre de pouvoir divinise celui qui l’exerce ; le culte le la personnalité y est poussé à l’extrême: « le petit père des peuples ».
La démocratie : l’Etat comme moyen
·         Spinoza : « le but de l’Etat est la liberté ». La démocratie (qui signifie précisément « pouvoir des gens ») est une une théorie qui va concilier l’idée de liberté individuelle avec celle de la discipline de l’Etat. Autrement dit, la démocratie est un moyen nécessaire à la réalisation des aspirations individuelles. L’Etat permet à chacun d’entre nous de nous réaliser. L’Etat est donc l’incarnation de la volonté générale (majoritaire) des citoyens (habitants aptes à la vie politique dans une Cité).
Cette volonté = contrat (> « tirer ensemble ») : cf. le Contrat Social de Rousseau. C’est une délégation libre de ses libertés à un pouvoir au-dessus de nous… L’envergure de cette délégation est variable selon les auteurs.
·         Notion de délibération (=échange d’arguments) Voltaire : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire ».
·          La démocratie consiste dans la séparation des 3 pouvoirs  > Montesquieu : juridique,  législatif et exécutif.  Suite à ces trois pouvoirs, la démocratie est constituée de contre –pouvoirs  (ex : jurés (pers. Non spécialistes du droit) dans un tribunal / la presse…). Ces contre-pouvoirs sont des enrichissements nécessaires à la vie démocratique ; ils sont même sa condition de survie.
C’est un Etat de droits, personne n’est au-dessus de la loi. Autrement dit, l’Etat va user de son autorité pour protéger la liberté de chacun contre les empiétements d’autrui, fût-il l’Etat lui-même.
Il y a deux sortes de démocraties : directe et indirecte (produite par ses représentants) comme en Suisse, par exemple. Aristote dans Le Politique s’interrogeait déjà par rapport à l’Attique (région d’Athènes) sur la capacité de la démocratie à être exercée par une population de plus de 200 000 habitants.
Cette volonté générale s’exprime par une majorité. La condition de la démocratie, c’est le respect de la minorité qui est aussi importante que l’expression de la majorité.
La minorité c’est le signe de la démocratie dans la mesure où elle exerce sa liberté d’expression et de critique et où elle aspire à devenir un jour la majorité.
L’Etat comme mal.
La doctrine libertaire –l’Anarchisme- refuse le pouvoir de l’Etat qu’elle considère comme le Mal.
M. Bakounine : «  « l’Etat est un immense cimetière où viennent s’enterrer toutes les manifestations de la vie individuelle ».  Pour les libertaires, l’homme est naturellement bon –contrairement à ce que pensent les absolutistes-  et il est libre de s’associer pour vivre en société. Autrement dit, ils considèrent que la violence est artificielle, qu’elle est voulue par l’Etat qui s’en arroge seul le pouvoir. Or pour eux, l’homme ne demande qu’à aider son semblable et tisse librement des liens sociaux. Pour construire une telle société, il faut d’abord s’en prendre aux représentants de l’Etat et même en venir à leur destruction : il s’agit de « supprimer les figures de l’oppression » pour se libérer de l’Etat. Le syndicalisme né à  la fin du 19ème siècle procède de cette idée mais également l’autogestion qui consiste dans une gestion strictement égalitaire d’un bien commun, d’une entreprise.
Les SEL (Système d’Echange Libre) sont dans l’économie quotidienne  une traduction de cette libre association.

Philosophes anarchistes :
Bakounine Dieu et l'Etat
Proudhon  La propriété c’est le vol
Kropotkine Propos d’un révolté

Conclusion

Vivre en société requiert des règles. Les formes de la vie en société ont évolué historiquement et géographiquement ; elles répondent aussi à des idéologies qui elles-mêmes reposent sur des conceptions différentes de l’homme et de la violence : totalitarisme, démocratie, anarchie.
Le modèle que l’Occident aimerait voir se répandre sur la planète est celui de la démocratie parlementaire. Or, celle-ci suppose de la patience, c’est-à-dire : éducation, formation, communication et transparence des décisions comme de leurs applications. Mais aussi et surtout un effort individuel et une veille constante, sans quoi la démocratie n’aura pas d’avenir.


                                          (montage de Laura Choffel)


Pour finir, voici quelques sujets qu’il m’est arrivé de donner aux étudiants :
 - Si la vérité sort de la bouche des enfants, comment y entre-t-elle ? 
-  Faut-il se méfier des images ?
-  Est-il possible de parler pour ne rien dire ?
-  En quoi peut-on affirmer que seuls les écrits restent ?
-  La liberté, pour quoi faire ?
-  La démocratie est-elle en droit de promouvoir le bonheur ?